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1- La Rébellion

La Grande Rébellion irlandaise de 1798

Le Contexte international

Port de La Rochelle en 1798

La rébellion irlandaise de 1798 trouve ses racines dans les deux grandes révolutions démocratiques qui ont soufflé sur l’Amérique et l’Europe de la fin du XVIIIe siècle. La Révolution américaine de 1771-81 et la Révolution française de 1789 furent les deux évènements clés ayant inspiré le mouvement démocratique et républicain irlandais.
La révolution française de 1789 était perçue comme faisant suite à la révolution américaine, toutefois, sa portée politique en était beaucoup plus profonde. Ce fut un mouvement plus radical qui a vu l’implication en grand nombre des forces populaires.

Photographie de Kilcumminn Head, Co. Mayo

Wolfe Tone décrivit comment « la Révolution française a constitué pour chacun d’entre-nous le test et révélateur de nos crédos politiques, et la nation se trouva alors divisée en deux grands groupes- l’aristocracie et les démocrates ».
Pour les Presbytérien radicaux du Nord, la France représentait un espoir de changement dans leur pays.
La France n’était pas seulement perçue comme un refuge mais comme un exemple à suivre selon les propres mots du journal des United Irishmen, « Northern Star », apportant la preuve aux « peuples de tout pays… que lorsqu’ils sont oppressés, ils ont la capacité de se redresser ».

Les Droits de l’Homme, « The Rights of Man »

L’identification avec l’Amérique ou la France s’est faite par sympathie avec les demandes et programmes politiques de ces révolutions.
La forte demande pour les publications et papiers politiques qui caractérise les années 1790 apporte la preuve de l’influence de ces idées révolutionnaires.
Au premier rang de ces publications figure un pamphlet en deux tomes appelés ‘The Rights of Man’ (les Droits de l’Homme) écrit par Thomas Paine.
Ce pamphlet, qui débute comme un plaidoyer de la Révolution française, argumenta du fait que la monarchie héréditaire était anormale et fit l’apologie d’une forme républicaine de gouvernement.

Photographie de Kilcumminn strand, lieu du débarquement

Il fut publié le 13 Mars 1791 et en Juillet 1791 le Dublin Whig Club avait déjà imprimé une édition bon marché pour une distribution en masse.
Fin 1793, plus de 200 000 exemplaires des tomes I et II étaient en circulation en Angleterre et Irlande.
Le fait que le Gouvernement Britannique poursuive Paine pour « écrit diffamatoire et séditieux » ne fit qu’accroître sa popularité et un autre des « Irlandais Unis », Leonard McNally écrivait en 1795 : « l’oeuvre de Paine est dans toutes les mains et sur toutes les lèvres. Ses écrits ont pénétré nos écoles et sont un sujet de conversation permanent de notre jeunesse ».

Le Contexte politique en Irlande

L’Irlande des années 1790 était dirigée par les Anglicans propriétaires terriens et aristocrates.
La majorité de la population n’était cependant pas anglicane et même si elle pouvait accumuler des richesses, elle était exclue du pouvoir politique.
En dehors de l’Ulster (Nord) et de Dublin les Irlandais étaient très majoritairement Catholiques.
L’Ulster était dominée par les protestants Presbytériens (dissidents) qui s’étaient établis là-bas durant les siècles précédents, déplaçant ainsi les Catholiques qui avaient auparavant fondé cette région.
La complexe division religieuse des frontières sociales et géographiques fut créé par les principes britanniques de gestion des classes de ‘divide and rule’ (diviser et régner). Ceci comprenait un système codifié de discrimination religieuse appelé Penal Laws (Lois pénales).
Les Penal Laws furent créées pour établir une discrimination religieuse entre la classe des propriétaires terriens (qui serait restreinte aux Anglicans) et la paysannerie Catholique et Presbytérienne.
Les propriétaires terriens Catholiques ne pouvaient alors garder leurs terres que s’ils se convertissaient au protestantisme Anglican.
Entre 1703 and 1788 quelque 5000 familles de propriétaires Catholiques devinrent Anglicanes.
De plus, en devenant les agents de propriétaires absentéistes beaucoup de membres de la petite noblesse Catholique entrèrent dans la clandestinité.
On estime que « si l'on inclut les propriétés des « convertis », les part de propriété foncière des « Catholiques » atteint environ 20 % ».
Les Penal Laws ne se contentaient pas de diviser les propriétés terriennes des Catholiques, elles stipulaient également qu’« aucun prélat ne peut résider en Irlande sous peine d’être pendu, tiré et écartelé. … Aucun Catholique ne peut servir dans les forces armées ou posséder des armes… ou monter un cheval de plus de £5. Ils ne peuvent voter ou être membres du Parlement… ».
En bref, les Catholiques qui représentaient 90% de la population ne pouvaient plus posséder de terres et étaient totalement exclus du pouvoir politique.

Création de la Société des « United Irishmen »

Portrait du Général Jean-Joseph-Amable Humbert

La fondation des sociétés des Irlandais Unis « United Irishmen » de Belfast et Dublin eu lieu à l’Automne de 1791.
Elles ne s’adressaient pas uniquement aux Catholiques, mais également aux protestants. Le plus fameux d’entre-eux Theobald Wolfe Tone était d’ailleurs lui-même protestant.
Cette organisation initialement réformiste réclamait des réformes démocratiques incluant l’émancipation Catholique.
En réponse à la pression populaire, le Gouvernement britannique qui dirigeait l’Irlande admit initialement certaines réformes.
Cette période de réforme prit fin en 1793 lorsque la guerre éclata entre la France révolutionnaire et l’Angleterre.
La route des United Irishmen vers un séparatisme révolutionnaire ne fut achevée qu’avec le serment de Cave Hill de Juin 1795.
À partir de ce moment, leur programme parlait d’une révolution qui, avec le soutien des français, briserait les liens avec l’Angleterre et introduirait alors les réformes démocratiques attendues.

Bantry Bay

Photographie de Killala, vue depuis le nord

En Décembre de 1796 les United Irishmen furent très près de la victoire lorsque les 15 000 Français sous le commandement de Hoche arrivèrent au large de Bantry Bay.
Seuls le mauvais temps et le manque d’expérience des marins français issus de la révolution ont empêché le débarquement, préservant ainsi l’Angleterre de la défaite.
Cependant, après Bantry Bay la société irlandaise fut encore davantage divisée puisque de nombreux loyalistes s’enrolèrent dans l’armée britannique alors que les rangs des United Irishmen grossissaient, eux aussi, de jour en jour.

Le Soulèvement

Drapeau « Erin Go Bragh - l'Irlande pour toujours »

Ceux-ci virent de larges batailles dans lesquelles des milliers de personnes furent impliquées.
Au printemps de 1798 une campagne de terreur britannique porta un coup terrible à l’organisation des Irlandais Unis et nombre de leurs leaders furent arrêtés.
Les autres furent contraints d’appeler à un soulèvement général sans attendre l’aide des Français.
La date fut fixée au 23 Mai. Une série de facteurs minèrent le soulèvement à Dublin.
Cependant ce fut l’étincelle qui fit éclater des soulèvements majeurs dans le Wexford au Sud et l’Antrim dans le Nord.

Wolfe Tone et le Soutien des Français

Buste du Général Humbert à Killala

Lorsque la guerre fut déclarée entre la France et l’Angleterre en 1793, les United Irishmen furent suspectés d’être de connivence avec les Français.
Tone pris alors la fuite avec sa famille vers l’Amérique. Puis il navigua pour la France.
À Paris il eut deux entretiens avec Bonaparte et plaida la cause de l’Irlande, demandant aux français d’envoyer une flotte d’invasion en Irlande.
La première, en Décembre 1796, sous le commandement de Hoche et avec Tone à son bord, fut incapable de débarquer à Bantry Bay.
Tone persuada alors les Français d’envoyer une nouvelle expédition sous le commandement du Général Humbert.